AVANT - PROPOS

MALTE ET LES MALTAIS DANS LA LITTERATURE FRANCAISE D’ALGERIE

CONFERENCE DE MONSIEUR PIERRE DIMECH, PRESIDENT NATIONAL DU CERCLE ALGERIANISTE, PRONONCEE A L’UNIVERSITE DE MALTE

LE 21 MAI 2001

AVANT - PROPOS

Je suis particulièrement heureux et ému de me trouver parmi vous, dans cette Assemblée qui réunit maltais et français, et, parmi nous, français, des descendants de maltais, partis, il y a plus d'un siècle et demi vers l'Afrique du Nord, notamment vers l'Algérie , pays de notre naissance.

Vous me permettrez tout d’abord de dédier cette intervention à la mémoire de mes Ancêtres.

Nous sommes une délégation du CERCLE ALGERIANISTE, association culturelle de français d'Algérie qui regroupe près de 8.000 membres à travers toute la France. J’en suis le Président National, et j'ai à mes côtés plusieurs présidents des sections locales . Ici sont présentes des personnes qui viennent de plusieurs régions de France : Marseille, Toulon, Nice et toute la Côte d'Azur, Narbonne, Toulouse, Bordeaux et l’Aquitaine, Lyon, et de bien d’autres villes ....

La littérature dont je vais vous parler maintenant est une littérature, soit oeuvre d'écrivains français de France, ayant séjourné en Algérie, au 19 ème siècle, soit oeuvre d'écrivains français nés en Algérie, ou s'y étant installés pour toute la vie....Il va de soi que tous ces écrivains étaient francophones, puisque le français était leur langue maternelle!

Il me faut tout d'abord rappeler brièvement la situation locale à l'époque où on commence à écrire sur l'Algérie et sur ses habitants, notamment les nouveaux arrivés, c'est-à-dire vers 1850...Ceci afin d'éviter toute interpolation avec la situation contemporaine , tant en France qu'en Algérie. Ne traitons jamais des situations anciennes à travers le prisme de l'actualité, ce serait aller au-devant de graves erreurs historiques !

LA SITUATION SUR PLACE

L'Algérie était , à l'arrivée de la France en 1830, un Pays qui n'existait pas. Ce territoire n'avait d'ailleurs même pas de nom. C'était encore, théoriquement, une dépendance turque, la Turquie n'ayant d'influence que sur quelques ports, et surtout sur la ville d'Alger. Ce territoire s’appelait « Régence d’Alger », connu depuis des siècles pour la « guerre de Course » en Méditerranée, provoquant des interventions sporadiques de plusieurs pays riverains, et même au-delà, puisqu'on avait vu même les Américains, en fin 18 ème siècle, intervenir par leur marine ! Lorsque la France se décide à intervenir à son tour, c'est à la seule ville d'Alger qu'elle pense. De 1830, date de la Prise d’Alger, à 1824 , on continue à parler de « Régence d’Alger ». Le 22 juillet 1834, une Ordonnance royale française institue le régime des « possessions françaises dans le Nord de l’Afrique », expression bien vague, qui correspond au flou de la situation. Le mot "Algérie" ne sera utilisé par l'Administration française, que quleques années plus tard, peu avant 1840. A l’arrivée de la France, le pays n'a alors aucune infrastructure digne de ce nom, ni administrative, ni technique. Il est peuplé à l'époque par environ 2 millions d'habitants, alors qu'il est immense.

Ce n'est que peu à peu, et avec beaucoup d'hésitations, de contre-ordres, que le peuplement de ce territoire par des européens, à commencer par des français , est envisagé, car la France elle-même n’a pas de politique arrêtée. Mais, dès la Prise d'Alger, il y avait eu des gens pour tenter l'aventure, et parmi les premiers, un certain nombre de maltais. Ils furent rejoints par des gens venus de toute la Méditerranée Occidentale, notamment des espagnols de la Péninsule, mais aussi de nombreux habitants des îles Baléares, surtout de Minorque; beaucoup d'italiens, du Piémont, de Naples et de Sicile, etc...Pendant ce temps arrivaient aussi des français. De toutes origines régionales, et de toutes conditions sociales, mais surtout des gens modestes, voire des adversaires politiques des gouvernements en place à Paris…

LES PREMIERES VENUES D’ECRIVAINS

Les écrivains qui voyagent en Algérie sont souvent des parisiens, ils sont en général de familles aisées, fréquentent des milieux raffinés, tels ceux des « salons »parisiens.... Le choc, à la vue de ce territoire algérien, qui vit alors une aventure qui a un certain nombre de points communs, (sauf en ce qui concerne les

massacres systématiques des autochtones), avec la Conquête de l'Ouest aux Etats-Unis , d'ailleurs contemporaine de l'implantation européenne en Algérie, est très grand. Ils ont alors souvent un regard sévère pour tout ce qui est « occidental », même sur le plan architectural, mais surtout à l’égard des européens en général , surtout pour ceux qui sont encore des étrangers non assimilés, tandis qu'au contraire, par romantisme plus que par politique, ils sont séduits par la grande allure des Chefs Indigènes, qui ont des allures de Seigneurs sur leurs superbes chevaux, dans leurs vêtements exotiques et magnifiques . Il y a un véritable engouement parmi ces écrivains, et aussi ces peintres, pour l'Exotisme et le Pittoresque algérien: c'est le mouvement "Orientaliste", illustré par exemple par Fromentin, artiste et écrivain. Citons encore Théophile Gautier, Alphonse Daudet...Plus tard, un peintre comme Etienne Dinet ira jusqu'à se convertir à l'Islam..

Il faut reconnaître que le contraste est bien rude avec les européens venus des pays pauvres ,et surtout les maltais. Pourquoi les maltais ? Parce que les maltais sont une véritable énigme pour ces français raffinés, ce sont des « hommes-frontières ». On ne sait pas très bien qui ils sont en réalité : sujets britanniques, ce qui ne portait pas à leur faire confiance !, ils ont un physique et une allure qui les classeraient entre les juifs et les arabo-berbères, et un dialecte qui ressemble à l'arabe. Or, en même temps , ils affichent une foi catholique très démonstrative qui déconcerte et irrite les français, qui sont en général très anticléricaux, et déjà assez déchristianisés. Bref, les maltais sont à l'opposé de ces Seigneurs arabes locaux, et au « bas de l’échelle » sur le plan social, d’autant plus qu’ ils sont très pauvres, peu ou pas éduqués. On les juge grossiers, âpres au gain, ombrageux, coléreux, et bigots. On retrouvera beaucoup plus tard cet ostracisme , vers les années 1930, sous la plume brillante, mais alors isolée, d'une femme-écrivain très connue à l'époque : Lucienne Favre. Elle est française de France, raffole de tout ce qui est arabe, et déteste juifs et maltais, qu'elle met au ban de la société, échelon inférieur de ces "petits-blancs" qu'elle méprise. Et Lucienne Favre, féministe, est considérée comme "progressiste" !!!

Or, entre temps, l'Algérie a beaucoup évolué, ayant pris sa personnalité avec une stupéfiante rapidité : dès les années 1890, elle est devenue un territoire qui est profondément français de sentiment et de culture, mais une France qu'on pourrait qualifier de "néo-latine", intègrant tous ses éléments pour faire de cette province tout-à-fait particulière une entité originale, que l'absence de véritable cadre définitif juridico-administratif ne permet pas de définir sur le plan institutionnel, laissant l’avenir à ses incertitudes.

LE PASSAGE DU 19ème AU 20ème SIECLE, ET L’APPARITION D’ECRIVAINS « ENRACINES »

Une double notation doit être faite en ce qui concerne notre sujet :

D'une part, au cours des années 1850 à 1890, il s’est produit progressivement un indéniable rapprochement entre les différentes composantes de ce qu'on peut appeler "la communauté européenne d'Algérie" : français des diverses provinces, (parisiens, provençaux, auvergnats, alsaciens, catalans, etc) , espagnols, italiens, maltais, sans compter quelques suisses, allemands et anglais...

D'autre part, ce rapprochement n'a pas été accompli mais plutôt constaté par les naturalisations par voie administrative. L'oeuvre principale émane de la vie quotidienne, de l'école, et des mariages. Elle trouve son accélérateur dans le formidable élan de construction d'une Algérie moderne, en plein essor à la fin du 19 ème siècle, moins de 40 ans après les derniers combats avec les Tribus rebelles...

Dans cette fusion, dans cet appétit de progrès, que certains ont assimilé au fameux "melting pot" américain, chaque partie de cette communauté va avoir sa place, tout en gardant l'essentiel de ses caractéristiques. Et cela, les nouveaux écrivains vont le comprendre de suite, et le transcrire dans leurs romans : ce sont soit des français de métropole, souvent des professeurs, tombés amoureux de l'Algérie, comme Louis Bertrand; soit des français déjà nés en Algérie, comme Robert Randau et son équipe : Louis Lecoq, Charles Hagel, Paul Achard, etc...Des fonctionnaires comme Auguste Robinet, lui-même né à Alger, célèbre sous le pseudonyme de Musette, créateur d'un personnage imaginaire emblèmatique du petit peuple d'Alger, mélange d’espagnols et d’italo-maltais : « CAGAYOUS"…

Cet élan sera coordonné par Jean Pomier, qui officialisera en 1920 le Mouvement Littéraire dit " Algérianiste" ( dont nos sommes les successeurs ) avec Robert Randau, en germe depuis le tout début du 20 ème siècle...

Un foisonnement d'oeuvres verra le jour, entre 1890 et 1914. Après la Guerre Mondiale, il y aura une deuxième vague d'ouvrages, entre 1920 et le début des années 30, 1930 étant celle qui voit la célébration du Centenaire de l'Algérie Française...

Dans ces livres, qui témoignent d'un inconstestable enracinement, on parle de toutes les composantes de la communauté européenne d'Algérie, et on en parle avec une chaleureuse sympathie, y compris des maltais, dont on aime au contraire le particularisme, mais dont on salue aussi la loyauté vis-à-vis de la France, de même que les qualités propres : esprit de famille, acharnement et sérieux dans le travail, volonté de réussite. A un moment où on exalte la Méditerranée, ils sont au coeur du système ! Il n' y a pas de livre connu , qui ne mentionne les maltais en général, quand il ne fait pas intervenir dans l'histoire un ou plusieurs protagonistes maltais.

Le plus célèbre ouvrage est celui de Paul Achard, publié en 1931: " L'Homme de Mer " qui est tout entier un livre voué à une famille maltaise, les Galea, qui, partie de rien : juste un tout petit champ dans les faubourgs d'Alger, va voir le petit-fils Titus Galea, dit "Titous ", conquérir Alger, puis Paris. C'est une véritable "saga" , qui mèle un langage, parfois très "cru", à des sentiments généreux, et à une description imagée mais très réelle d'une famille maltaise...

Tout écrivain qui parle de Bône, la capitale maltaise de l'Algérie, comme le poète Edmond Brua, ne peut qu'évoquer sans arrêt les maltais d'Algérie... Bien sûr, je ne cite pas le cher, le grand Laurent Ropa ( Rapa , de Gozo ), traité par mon ami Marc Donato, et dont nous avons souvent parlé à plusieurs reprises au Cercle Algérianiste.

C'est que, hors des romans, la réalité de la vie en Algérie, montre l'ascension sociale foudroyante des maltais, enfants et déjà petits-enfants des émigrants maltais du 19 ème siècle. La Réussite couronne souvent leurs entreprises. Réussite commerciale, industrielle, mais aussi dans la Fonction Publique, l'Armée.... Le Clergé d'Algérie est fortement imprégné de maltais d'origine, et pas seulement dans l'Est-Algérien...Le Domaine des Arts n'est pas non plus étranger à la communauté d'origine maltaise : des artistes lyriques, des écrivains, un Académicien comme Fernand Gregh : un Grand-Prix de Rome de sculpture comme André Greck....Mais, ces enfants de Malte sont devenus des "français d'Algérie" à part entière...Ils se sont battu, en 1914-18, dans les rangs de l'Armée française , scellant souvent cette intégration dans la Patrie française par le sang versé... Comment tout cela n'aurait-il pas pu être reflété par la Littérature ?

Au cours des années 30, alors que monte la menace, qui se vérifiera hélas, de façon dramatique, d'un massacre à l'échelle mondiale, les évênements de Malte parviennent au monde littéraire d'Algérie, et particulièrement algérois, grâce à Laurent Ropa. Ropa est un admirateur et un ami de Robert Randau; un ami de Jean Pomier et de Gabriel Audisio.... Les colonnes de la Revue AFRIQUE, dont notre Revue " l'Algérianiste" se veut être la fille, lui sont ouvertes : il y écrit au sujet de Malte, dans les années 35-38.

Ainsi, si désormais, dans la littérature française d'Algérie , les "maltais" font partie du paysage, Il y a un lien particulier entre le Mouvement Algérianiste, Malte et les Maltais, dès le temps de l'Algérie française, qui, toute à son bonheur d'exister, de travailler, de réussir, ne voit pas monter l'Ombre de la Fin.

Avant de conclure cet exposé, et à l’appui de son contenu, je vais maintenant vous lire quelques brèves citations d’un certain nombre d’auteurs ayant fait apparaître des personnages de maltais dans certaines de leurs œuvres. Je me bornerai à ne citer que des auteurs de la fin du 19ème siècle , et du début du 20ème.

Nous voici parvenus au terme de cette communication. Aujourd'hui, 40 ans après que nous ayions dû quitter notre Terre Natale, si nous gardons totalement la fidélité absolue à cette Algérie perdue, nous avons eu aussi le temps de découvrir, depuis que nous sommes au nord de la Méditerranée, les racines de nos racines. Au nom de tous ceux qui ont du sang maltais qui coule dans leurs veines, comme en celui de ceux qui n'oublient pas leurs amis maltais d'Alger, de Bône, de Constantine, Philippeville, Souk-Ahras ou d'ailleurs, je vous dis ma joie et mon intense émotion d'avoir parlé devant vous, en langue française, mais avec l'esprit maltais.

PERSPECTIVES A PROPOS DE LA PRISE DE CONSCIENCE DE L’EXISTENCE D’UNE BRANCHE FRANCAISE , ISSUE DE L ‘EMIGRATION MALTAISE EN ALGERIE

COMMUNICATION DE PIERRE DIMECH AU CENTRE UNIVERSITAIRE DE XEWKIJA LE 19 MAI 2001

Jusqu'à une période trés récente, il semble que l'émigration maltaise vers l'Afrique du Nord, et en particulier vers l'Algérie ( mais, il est bon d'étudier aussi le cas voisin de la Tunisie, ce qui sera fait dans un moment par Marc Donato ), ait été pratiquement inconnue des maltais. Seul, le Frêre Andrew Attard, dans son " histoire de l'émigration maltaise", a évoqué brièvement cette aventure .

Aussi, je salue particulièrement les initiatives du Professeur Henri Frendo, grâce à qui d'ailleurs cette émouvante rencontre a pu être organisée, pour sortir de l'ombre cette branche originale et importante de l'émigration maltaise.

Tout d'abord, quelles sont les raisons qui peuvent expliquer cette mise à l'écart ?

En premier lieu, lorsqu'on parle aujourd'hui de l'émigration maltaise, on pense aussitôt et avant tout à l'émigration vers l'Australie, de loin la plus importante, et aussi parmi les plus récentes - principalement après 1945 - ,qui fait qu'existe là-bas,la plus forte communauté maltaise hors de Malte, organisée et dynamique, faisant d'elle en quelque sorte une " seconde Malte ". Il y a aussi des pays tels que la Nouvelle Zélande, le Canada, les Etats-Unis... Toutes ces destinations ancrent Malte dans l'univers anglo-saxon, et constituent une sorte de relais de Malte vers le Monde Extérieur...tout en maintenant des liens familiaux très forts avec Malte , à raison même du peu de temps qui s'est écoulé depuis le départ des premiers émigrants ( un demi-siècle ).

Par contre, l'émigration vers l'Algérie ( comme vers la Tunisie ) est , elle, tout au contraire, une émigration ancienne, la plus ancienne en ce qui concerne une émigration qu'on pourrait qualifier " de masse ", à raison de l'importance du nombre de maltais ayant choisi cette destination. Il y a maintenant 170 ans ( près de 2 siècles ! ) que les premiers maltais arrivaient en Algérie, pratiquement dès l'installation de la France à Alger, en 1830. Autre chiffre à retenir : au début du siècle passé, c'est-à-dire du 20 ème siècle, il y avait dans les 15.000 maltais en Algérie, et à peu près le même nombre en Tunisie...Comparons ces 30.000 maltais en Afrique Française du Nord au chiffre de la population vivant à la même époque à Malte, et l'on comprendra que la proportion était très importante.

Mais, cette émigration ancienne a été fatalement occultée par une série de vagues d'émigrations dans d'autres pays, bien après, parce que l'émigration vers l'Algérie a pratiquement cessé dès le début du 20 ème siècle. Cela explique certainement un lent mais irrésistible éloignement entre les deux branches : celle restée à Malte et celle implantée en Algérie. Les liens se sont forcément distandus.

Rappelons- en les principales raisons, que j’ai eu l’occasion d’exposer ici, à Malte, en janvier 2000, lors de la Convention des Maltais de l’Extérieur, qui se déroula à La Valette.

Il y a eu, et cela est essentiel, la force assimilatrice de la France en Algérie, notamment par l'Enseignement, formateur des esprits par le canal de la langue française, qui a brassé toutes les Communautés, notamment celles venues du bassin méditerranéen, espagnols, italiens, maltais...Aujourd'hui, du fait de la séparation de l'Algérie d'avec la France, précédée par celle de la Tunisie ( qui fut bien moins dramatique ), la France elle-même a reçu cet apport de population depuis 40 ans..Et si, en raison des conditions historiques extrêmement dramatiques, il y eut de nombreux problèmes entre population française d’Algérie et population française de France, il n’y eut pas de « barrière de langue » !.

Alors, ceux qui sont, non pas "maltais", mais fils, ou plutôt petit-fils, voire arrières petits-fils de maltais, élevés dans la langue française, sont les seuls à ne pas être anglophones. Cela entrave les liens avec Malte d'autant plus que la plupart n'ayant jamais entendu parler maltais lorsqu'ils étaient enfants, ne comprennent pas la langue de leurs ancêtres ( ou, de certains de leurs ancêtres, car par les mariages , les différentes communautés européennes se sont peu à peu mélangées ). On en voit aujourd'hui les conséquences, même pour de si sympathiques rencontres, comme celle d'aujourd'hui. Il y a une barrière des langues entre nous….

Ajoutons que nos deux pays de référence ( ou, pour vous, maltais, « ancien pays de référence ), la France et l’Angleterre, ont et, et ont encore de fortes différences. N’oublions pas qu’au moment le plus fort de l’émigration maltaise vers l’Afrique du Nord, au 19 ème siècle, les relations entre France et Angleterre étaient des plus tendues ! Cela doit être pris en compte..

C'est pour cet ensemble de raisons, je crois, qu'à Malte, on a quelque peu oublié que nombre de maltais, il y a certes très longtemps, sont partis vers l'Afrique du Nord voisine, et sont généralement devenus citoyens français, totalement à part dans un univers maltais anglophone, avec des liens toujours entretenus avec la Patrie d’origine.

Aussi, un double mouvement doit permettre notre rencontre, nos retrouvailles, profitable aux uns comme aux autres. Je pense que les conditions en sont aujourd’hui réunies.

Nous devons, nous français ayant au moins une partie de nos origines ici, à Malte, approfondir notre connaissance de MALTE et des maltais, en mieux connaître l'histoire récente, notamment depuis le 19ème siècle, époque de la permière grande émigration. Nous devons renouer des liens culturels qui ne se limitent pas à des voyages touristiques. Nous devons revendiquer notre appartenance, même modeste, à la grande Famille maltaise, et travailler sincèrement à cela.

Si nous avons l'obstacle de la langue, nous avons par contre le bénéfice d'avoir, à travers l'Algérie, gardé une culture d'essence méditerranéenne, qui nous permet de mieux comprendre les questions maltaises, l'esprit maltais. Nos avons fait en sorte de garder cet esprit, même depuis les 40 ans que nous sommes en France, puisque l'Algérie ne pouvait plus être notre pays, en devenant un Etat musulman et arabe, qui ne laissait aucune place à la Chrétienté, à l'Européanité.D’ailleurs, les massacres et enlèvements de personnes qui se sont multipliés dès la proclamation du Cessez-le-Feu ont montré que la sécurité de la population attachée à la France, européenne comme musulmane, ne pouvait plus être assurée..

De votre côté, Maltais de Malte, il est très important de ne plus laisser dans l'ombre cette "branche de la famille", qui constitue vraiment un apport original et intéréssant pour Malte, cette branche qui recherche, après la perte de ses racines algériennes, ses plus lointaines racines, qui sont ici, à Malte, notamment à Gozo, terre d'émigration ...Chacun d'entre nous, s'il a une origine maltaise, a au moins un ancêtre venu d'ici, de Gozo...Je pense donc que "La Plus Grande Malte " ne doit pas sous-estimer cette parenté française, et doit rechercher sous toutes ses formes un contact avec elle, par la généalogie, par l'histoire, par la littérature : en effet, je suis persuadé qu’il est important pour vous, universitaires qui formez l’élite de la Nation Maltaise, que vous cherchiez à savoir ce que sont devenus tous vos compatriotes partis vers la proche Afrique du Nord, pour y connaître un sort différent de celui des familles qu’ils avaient laissées sur place…

Mais les « retrouvailles » doivent se prolonger, s’enrichir aussi par les contacts humains actuels, entre personnes, entre familles, entre associations..Si l’obstacle de près d’un siècle d’éloignement, de silence et d’ignorance, est très impôrtant, il n’est pas toutefois insurmontable !

Je désire ajouter ici quelques mots, au sujet d’un livre étonnant, un roman intitulé « The last life », paru il y a quelques années aux U.S.A. Son auteur est une

jeune femme née et demeurant aux Etats-Unis, mais ayant une origine française et canadienne : Claire Messud. Son nom est à l’évidence un patronyme maltais.

L’histoire racontée dans ce livre, est à base biographique. Elle ne traite pas de l’émigration maltaise aux USA, mais de la vie d’une famille française d’origine maltaise ( bien que dans le livre il n’y ait aucune allusion directe à Malte ou aux maltais. Elle mentionne seulement l’extrême piété de ses parents et grands-parents ). Cette famille, installée en Algérie depuis très longtemps, a dû quitter ce pays à la fin de la guerre d’indépendance .

Cette histoire est très intéressante, car, à travers elle, nous pouvons découvrir que des sentiments très forts peuvent se manifester après de nombreuses années d’un passé enfoui, et faire surgir un amour pour le pays de nos ancêtres, même si nous n’y sommes jamais allé.

PIERRE DIMECHDocteur en Droit Président du Cercle Algérianiste


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